On chuchote dans les couloirs, on se parle au téléphone, on prend des cafés. Tout le monde sait, tout le monde s’offusque et tout le monde ou presque se tait.
Les protagonistes de cette histoire fumeuse se jettent sur les articles de Bisque, bisque, basque ! dès qu’ils paraissent entre la crainte de se faire épingler et la curiosité pour toutes les révélations qu’on y trouve.
Mais sur le fond, c’est toujours la loi de l’omertà où tout le monde se tient.
Lundi 30 juillet, et la date n’est pas fortuite, se tenait le Conseil municipal le plus important de la mandature. Celui qui a scellé l’avenir de l’Hôtel du Palais (et de fait celui de Biarritz et de l’agglomération) pour les 75 prochaines années, ce qui veut dire jusqu’en 2093…
Les quelques données dont on dispose à ce jour concernant l’Hôtel du Palais
- Vote le 30 juillet de la délibération qui autorise la Mairie à contracter un bail emphytéotique avec la Socomix (société d’économie mixte, où la Ville est majoritaire mais qui relève du droit privé)
- Le bail doit être signé pour 75 ans pour un loyer annuel de 920.000€
- La seconde tranche des travaux de l’Hôtel du Palais doivent débuter le 18 octobre
- Le montant de l’emprunt pour réaliser les travaux est estimé à ce jour est de 64,4 millions d’euros soit quasiment le montant des travaux que la société Four seasons souhaitait effectuer, montant jugé à l’époque bien trop important, c’était il y a 18 mois.
Vous pouvez aussi retrouver le texte de la délibération sur le site de la Ville
ou le télécharger directement ici :
COMPTE_RENDU_DES_QUESTIONS_INSCRITES_CONSEIL_MUNICIPAL_DU_30_JUILLET_2018
Au milieu de l’été alors que beaucoup de Biarrots sont en congés ailleurs et que ceux qui restent travaillent 7 jours sur 7 sur des plages horaires d’une dizaine d’heures par jour, on décide de faire passer en catimini la décision la plus marquante pour la Ville alors même que le sujet n’était dans aucun programme électoral. La méthode est connue et souvent appliquée au plus haut niveau de l’Etat. Pour autant, en tant que Biarrots nous ne devrions ni nous en satisfaire, ni nous y résoudre.
Depuis des mois, voire même des années, le Maire, Michel Veunac, celui qui devait incarner “le plus jamais ça” en réponse aux abus de son prédécesseur, Didier Borotra, s’octroie un pouvoir à la fois autocratique (ceux qui travaillent avec lui souffrent au quotidien des dictats d’un tyran) mais pire encore irresponsable (quand on privilégie ses propres intérêts, l’intérêt public en pâtit forcément).
Pourquoi un tel empressement pour les travaux de l’Hôtel du Palais ?
Le Conseil du 30 juillet fut un vrai révélateur de ce point de vue. En effet, tout le monde a bien compris que l’enjeu prioritaire de M. Veunac est le sommet du G7 prévu à Biarritz les 29 et 30 août prochains. Le Maire en effet cherche désespérément à s’attirer les bonnes grâces présidentielles, en vue évidemment d’obtenir l’investiture d’En Marche aux prochaines municipales.
Tout est bon pour faire bonne figure et masquer les problèmes structurels que connait Biarritz (au choix : endettement, assainissement, activité touristique et commerciale en baisse, voirie, logement, etc.).
Avec une vision exclusivement de court terme, le Maire souhaite donc hypothéquer l’avenir de la Ville pour les 75 prochaines années pour recevoir en grandes pompes pendant 2 jours les chefs d’Etat du G7. Un événement qui aura une portée médiatique certaine sur le plan politique mais dont les conséquences économiques seront vraisemblablement l’inverse de ce qui nous est vendu actuellement. En effet, la saison sera largement amputée puisque les contraintes en matière de sécurité d’un tel événement cloisonneront les déplacements bien avant l’arrivée des invités.
Biarritz n’a donc rien à y gagner, Veunac en revanche en attend sans doute beaucoup.
Pourquoi laisse-t-on à Veunac les mains libres à ce point ?
La peur
Ceux qui sont les plus proches, probablement les mieux informés et les plus conscients de l’ampleur du désastre qui s’écrit, ont bien souvent peur.
Pour leur salaire, pour leurs indemnités quand ils sont élus, certains ont peur des sautes d’humeur agressives et incontrôlables du despote, enfin d’autres ont peur des conséquences d’une éventuelle forfaiture.
Veunac en fin manipulateur arrive à alterner la caresse et la claque avec la dextérité d’un jongleur.
On est bien loin du courage politique qui devrait présider le travail dans l’intérêt général. Au contraire le service public à Biarritz se transforme en services privés à tous les niveaux. Et plus on est faible, naïf ou en difficultés sur le plan matériel, plus on a de chance de progresser dans la hiérarchie Veunac. Il est tellement confortable d’avoir une poignée de gens corvéables à merci parce que bien trop redevables.
L’intérêt personnel
Lors du dernier Conseil municipal, au-delà de l’ampleur de la décision un autre fait marquant fut le retournement de veste de l’opposant principal à ce système, Jean-Benoit Saint-Cricq. L’homme qui de part son passé d’avocat était la meilleure sentinelle de cette assemblée. Ses argumentaires toujours pertinents et argumentés apportaient une réelle valeur ajoutée aux débats et bien souvent également aux décisions. Seulement voilà, l’envie d’exercer le pouvoir se faisant sentir depuis si longtemps, il a fini par succomber à l’appel de la « sirène » Veunac.
Le Maire en animal politique avisé ne se laisse en effet pas perturber par les quelques prises de consciences (un peu tardives mais mieux vaut tard que jamais, il paraît) de certains de ces proches adjoints.
Et si la brillante déclaration de Guillaume Barucq en début de Conseil (je vous invite d’ailleurs à la réécouter, elle résume l’essentiel), semblait marquer le début d’une nouvelle donne, c’était évidemment sans compter l’impact et le pouvoir des tractations et des comptages qui avaient lieu en parallèle.
Pourquoi Hyatt (groupe hôtelier bien moins prestigieux) plutôt que Four seasons ?
Raison officielle : le montant des travaux (aujourd’hui on arrive au même montant avec Hyatt et on a perdu 18 mois…)
Autre explication : Les négociateurs de Four Seasons ne parlaient qu’Anglais, M. le Maire refusait d’avoir un interprète (on se demande bien pourquoi… les intermédiaires c’est parfois gênant)
Le manque d’information
Autre fait marquant des 2h30 de débats qui ont eu lieu lundi dernier, la plupart des interventions mentionnait l’absence de données suffisantes pour pouvoir se prononcer.
“Je ne peux rien dire, ça relève de la Socomix” était la réponse systématique de Michel Veunac qui demandait un blanc-seing à ses conseillers.
C’est d’ailleurs sur cet argument que François Amigorena, qui a démissionné de la majorité municipale suite à la crise du stationnement cet hiver, table pour réclamer au Préfet l’annulation de la délibération. On ne saurait que trop espérer que le Préfet prenne ses responsabilités pour atténuer le désastre.
Mais même si la décision est invalidée, si rien d’autre ne se passe, ce n’est que reculer pour mieux sauter. Car le manque d’information à Biarritz pointé du doigt aujourd’hui n’est pas un événement, c’est un fait structurel de la politique municipale. On se souvient également qu’en fin de Conseil municipal du 20 décembre dernier (point 22 à l’ordre du jour) à la veille des vacances de Noël le Maire faisait passer au nez et à la barbe des Conseillers municipaux la décision de contracter avec Indigo pour la gestion du stationnement à Biarritz. Un vote que nombreux ont regretté par la suite quand ils ont pris la mesure de ses conséquences. Même méthode pour l’affaire Bigueyrie même si les enjeux ne sont pas les mêmes.
“Pas vu, pas pris”, c’est le meilleur allié de tous les abus.
Biarritz souffre d’un manque cruel de media. Sud-Ouest avec une page par jour ne remplit que très partiellement le rôle de contre-pouvoir que l’on est en droit d’attendre d’un media à l’égard de l’action politique. Sans concurrent réel, ce journal est également à la merci des pressions du potentat qui n’accepte évidemment que très peu la critique. C’est malheureusement ce qui explique que beaucoup n’accordent que peu de crédit aux articles publiés.
Une illustration supplémentaire qui érode l’image que les Biarrots peuvent avoir du politique.
Parce qu’évidemment, la société biarrote est constituée de gens qui ont fait des choix de vie souvent bien loin des bas calculs politiques qui se jouent dans leur Mairie. Ils se sentent impuissants face à des décisions qui les concernent pourtant tellement et qui ont un impact direct sur leur vie (cf. le stationnement). Ils n’ont que trop rarement les informations liées aux évolutions votées pour la Ville. Souvent pris de haut par des élus dévorés par des egos surdimensionnés mais dont l’unique réel talent est de savoir masquer leur incompétence, ils ne se sentent pas capable de comprendre les enjeux des décisions.
Alors certains se rebellent dans leur coin en créant des groupes sur Facebook ou en lançant des pétitions. Pour aussi louables soient-elles ces actions isolées n’ont aucune chance d’avoir le moindre impact sur le colosse de l’Hôtel de Ville. Quand on n’a rien à perdre, on n’a peur de rien, mais quand on a trop à perdre, on ne lâche rien.
Peut-être faudrait que chaque Biarrot fasse de cette maxime la sienne pour ne rien lâcher non plus et surtout pas l’avenir de cette ville (et donc de l’Hôtel du Palais) que vous aimons tant, car c’est bien chacun d’entre nous qui allons perdre beaucoup.
Je vous laisse rêver face à cette piscine paradisiaque flambant neuve qui paraît-il est la propriété des Biarrots… qui peut se vanter d’y avoir fait trempette ?